Peindre Ecrire Composer
Donner libre cours à l’encre
car la Vie passe
Géraldine Andrée
Peindre Ecrire Composer
Donner libre cours à l’encre
car la Vie passe
Géraldine Andrée
Ouvrir la fenêtre : que la lumière du jour se pose sur les feuilles de sa saison de vie.
Fermer la porte : que les enfants se disputent pour une broutille ; que le conjoint s’ennuie ; qu’importe. Laisser chacun aujourd’hui découvrir son chemin, même s’il est désagréable.
Ne pas répondre au téléphone : la sonnerie a beau s’entêter ; dans un proche instant, elle se confondra avec la note du silence.
Suivre la volute de fumée qui danse au-dessus du thé.
Passer la main sur la douce encolure du chat…
Mais, quelle est cette lueur rose, soudain ?
C’est un pétale échappé du jardin d’enfance qui ouvre sa porte…
Tenter alors de l’attraper dans le ciel de printemps de la page
en écrivant,
en écrivant…
Géraldine Andrée
J’écris
pour accompagner
du murmure
de mon coeur
le cours
des choses
Géraldine Andrée
La langue de mon pays
se fait comprendre avec
la haute voix du vent, l’accent des sources sur la rive, la courbure des blés, les ondulations de l’herbe, les pleins du chemin qui s’élance vers l’azur, ce soupir entre les notes de la pluie, les couleurs accrochées à la gorge des mésanges, les points qui étoilent la page du ciel, le silence de tout ce qui perle, de tout ce qui goutte au bout de l’attente.
La langue de mon pays ne suit aucune grammaire.
J’ai seulement appris
que beaucoup de feuilles se froissent pour la répandre dans le monde,
que beaucoup de flambeaux allument ses majuscules dans la nuit.
Je suis l’interprète de son souffle qui roule jusqu’à mes lèvres
quand j’accélère ma course vers Demain.
Je la respecte
en la transcrivant chaque matin
sous un long délié de lumière
qui tremble puis disparaît
pour renaître
à partir de la virgule
de l’instant suivant.
Géraldine Andrée
Prends soin de ta Vie comme d’une jeune plante. Surveille la germination, la pousse, l’éclosion.
Il existe de nombreux moyens de faire fleurir ta Vie : la méditation, la gymnastique, la marche, le yoga, la peinture, la musique.
Toutes ces pratiques appartiennent à un seul domaine : la botanique de l’âme.
Moi, ma botanique, c’est l’écriture.
Je tiens un petit carnet et je note au jour le jour comment ma Vie s’épanouit : je veille à l’arroser à des heures précises, je surveille la santé des graines, l’apparition du bouton d’or, puis l’éclat de la corolle.
Je suis vigilante en ce qui concerne la moindre tache, la moindre menace de fenaison précoce, le moindre signe d’assèchement.
Mes mots accompagnent ma Vie. Aussi vifs que les rayons du soleil, ils l’encouragent.
Je veux que ma Vie soit haute et vigoureuse car je l’ai définie ainsi.
Tu peux, toi aussi, écrire ta botanique de l’âme.
Prends, si cela te plaît, un petit carnet ; note tout ce qui fait du bien à ta fleur intérieure : quelle musique, quelle couleur, quelle ambiance de qualité ?
Les plantes – c’est connu – poussent mieux dans le calme et la paix. Offre par conséquent à la tienne le présent du silence à fleur d’eau.
Ainsi, la page sur laquelle tu te pencheras au jour le jour sera la fenêtre qui te montrera ton infinie éclosion, quelle que soit la saison.
Géraldine Andrée
Les poètes
ne sont pas
morts
Il demeure
de leur voix
que l’on croit
enfuie
loin
dans la nuit
le feu d’or
d’une feuille
qui éclaire
notre pas
jusqu’à la prochaine
aurore
Géraldine Andrée
Tu me dis :
« J’attendais que la mer se retire.
Puis, j’allais jusqu’à la presqu’île.
J’entendais crisser le sable mouillé sous mes pieds.
J’étais guidée par chaque étincelle d’écume au soleil. En chemin, je ramassais des algues ondoyantes, de toutes les couleurs, et qui tombaient mollement dans mon seau.
Arrivée jusqu’à la presqu’île, je m’oubliais dans le bleu qui bordait la rive. Je perdais la mesure du temps. Dans cette éternité conquise, je me laissais vivre.
Lorsque la mer m’envoyait de loin ses vagues, je savais qu’il était temps de rentrer.
Je retrouvais la trace de mes pas.
Quand j’avais enfin franchi la frontière invisible qui séparait mon hôtel de la presqu’île, j’ouvrais la porte de la petite cabane.
Là, avec une éponge et du buvard, je posais mes algues recueillies dans leur danse immobile sur du carton blanc.
Puis je les laissais sécher à la lumière de la grande véranda jusqu’au lendemain.
Retrouve-moi sur Internet la pension Saint-Luc tenue par les religieuses, la presqu’île, la cabane et la véranda. »
Longtemps, j’ai parcouru les sites et les photographies. Saint-Luc désigne désormais un complexe hôtelier anonyme. La cabane et la véranda ont disparu. La presqu’île a gardé le même bleu qui tremble comme une algue posée sur la page blanche de l’azur. Mais l’éternité n’est plus.
Je ne sais aujourd’hui qu’une trace : celle des mots menant au souvenir
qui cherche lui-même l’empreinte de ses pas dans un soupir.
Géraldine Andrée
J’ai un jardin
J’ai un jardin dont j’entends tous les murmures
un jardin qui incline ses feuillages sur ma page
un jardin qui m’envoie une plume en guise de signe quand je vous écris
Voilà ma vérité
De ce jardin je fais un cahier
pour que vous n’ayez nul besoin d’une clé pour l’ouvrir au coeur de vos hivers
et pour que vous retrouviez le beau temps annoncé
depuis l’enfance de la lumière
Géraldine Andrée
Tous droits réservés@2018
Moi aussi, je vais faire un tour dans mon cahier en 1987.
1987,
l’année de mon bac français, l’explication de texte de La Parure de Maupassant, un commentaire sur Les Mémoires d’Outre-Tombe de Chateaubriand ;
le tube Joe le Taxi de Vanessa Paradis dans l’ombre de ma chambre le soir ;
un détour parmi les mirabelliers ;
mon rêve du grand amour ;
lire les Poésies d’Arthur Rimbaud au coeur de la nuit ;
bronzer en maillot de bain dans le jardin qui existait encore ;
puis écrire des poèmes sous les feuilles du marronnier ;
être réveillée par les coups de soleil – non, je n’ai pas écouté mon père ;
commencer sans cesse un nouveau cahier ;
la découverte de Radio Nostalgie et du parolier de Julien Clerc, Etienne Roda-Gil ;
recopier ses chansons dans un carnet Bleu Majuscule ;
les vacances chez ma tante ;
les promenades quotidiennes au lac d’Annecy ;
me demander si cela vaut la peine que je poursuive mon journal intime puis le continuer tout de même jusqu’à l’Université :
prendre la première fois l’avion toute seule ;
faire une indigestion de Pépitos ;
écouter A l’encre de tes yeux de Francis Cabrel avec mon oncle revenu d’Italie;
vouloir écrire comme Marie Noël et ne pas y parvenir ;
maquiller mes cils en bleu clair pour rester discrète ;
mon premier rouge à lèvres ;
ma robe à bretelles sous laquelle pointent mes seins ;
penser à entourer de rouge la date du mois futur dans le calendrier pour prédire quand « elles » vont réapparaître ;
sortir en discothèque avec les amis de ma classe et ne pas savoir quelle tenue mettre ;
enfin, me débarrasser de mes vieilles couettes ;
traverser le champ de blés où saignent les coquelicots ;
l’impression que je suis seule mais avec un don inné pour la joie ;
m’accouder à la fenêtre et interroger les étoiles sur mon avenir ;
ne rien s’entendre dire de la part de l’Univers ;
ignorer que je serai amoureuse dans deux ans.
1987, l’année où tout est possible ;
où les musiques, les livres et les êtres faits pour moi me trouvent
avant que je me sois trouvée moi-même.
Et vous, si vous étiez sur cette terre, que faisiez-vous en 1987 ?
Géraldine Andrée
Il est des mots qui n’ont nul besoin d’être écrits.
Ils déposent leur trace sur le chemin de l’âme grâce au souffle qui les met au monde.
Ces mots sont
Lumière, Vérité,
Beauté, Foi,
Enfance.
Ils sont à la fois
le message et la lampe.
Il est des mots qui signent un sourire.
A travers eux, tu contemples
ce qui doit advenir
dans l’unique
compréhension du silence.
Géraldine Andrée