Toute petite, je me demandais souvent :
D’où vient la lumière ?
Une voix secrète me formulait une réponse dont je n’étais jamais vraiment certaine :
De l’œil du chat ?
D’une bulle de savon ?
Du mariage entre la feuille et le vent ?
Du crissement du sachet de friandises ?
D’une rédaction bien écrite ?
Plus tard, j’appris que la lumière était une vibration, une énergie démultipliée, émise par le soleil et que, même si elle descendait dans l’eau, elle ne se dissolvait pas, elle s’élargissait en une corolle qui enveloppait tous les joncs, les nénuphars, les saules, mon visage penché sous l’ondulation de mes cheveux.
Elle créait un reflet complet des êtres et des choses qu’aucun remous n’effaçait tant que la lumière durait.
Réflexion… Vision… Miroitement…
Je me délectais de ces mots. Mais, comment la lumière qui venait de si loin, des confins du ciel, pouvait-elle me trouver, moi, ce tout petit point presque invisible sur la page du monde ?
Comment repérait-elle ma main, mes cheveux, mes prunelles à travers lesquelles elle se contemplait pour illuminer ensuite mon sourire ?
Comment la lumière savait-elle que j’existais, moi qui me croyais aussi insignifiante qu’une frêle sauterelle qui disparaît dans la nuit verte de l’herbe ?
Et lorsque je n’y voyais plus, que ma lampe de chevet s’éteignait à fleur de mon sommeil, que je fermais les yeux,
cela signifiait-il
que la lumière ne me regardait plus, qu’elle m’avait quittée des yeux,
oubliée, perdue ?
Pourtant, je gardais longtemps derrière mes paupières l’éclat des lampions de la soirée, les lueurs des perles des colliers,
une fois les tables et les chaises rangées, l’estrade démontée, les amis séparés…
Suffisamment longtemps pour que je croie encore en la joie
et que cette foi me donne la force de faire à nouveau éclore, le lendemain, l’aurore d’un poème un peu maladroit…
Ce n’est que bien plus tard que je compris que peu importait la durée de l’obscurité,
un matin m’était toujours promis…
Pourquoi ?
Parce que la lumière était déjà en moi,
dès le premier instant de mes yeux ouverts…
Oui : cette énergie,
cette vibration
dont je croyais
qu’elle traversait l’univers en un millième de seconde
ne me repérait ici-bas que si je lui prêtais attention, que si je lui offrais la corbeille de mes doigts.
Dès lors, je n’avais plus de doute :
La lumière ponctuait ma paume de pointillés d’or pour que je poursuive jusqu’à la fin de mon souffle
sa longue phrase qui s’apprêtait peut-être à toucher
au-delà de la nue
le regard de quelqu’un,
encore persuadé d’être invisible,
et trop loin pour être reconnu.
La lumière se préparait,
malgré l’immense
ignorance
du monde
à l’égard
de son inconditionnelle présence,
à être reçue.
Géraldine Andrée




