Écrire aujourd’hui ma gratitude pour tous les journaux intimes de ma vie :
- Le cahier fleuri de mes treize ans, celui qui se fermait avec une petite clé d’or et qui m’a fait découvrir mon pays intime-rien-qu’à-moi.
- Le cahier violet de la marque Majuscule dans lequel je jetais mes cris de révolte, dans une écriture si désordonnée, si tourmentée qu’elle était illisible – autre manière de me protéger et d’empêcher l’accès de ces pages à ma famille. Plus tard, c’est moi qui ne pouvais plus me relire, retrouver mon ancien Moi. Cahier dont le langage codé m’a interdit de revenir sur mes traces. Preuve de la vanité parfois de se relire. On ne se retrouve plus car on n’est plus celle qui a écrit ici.
- Le cahier de velours rouge qui m’a permis de réfléchir sur ma liaison toxique avec cet homme dans La Maison Blanche. Un cahier de peine, de solitude et d’exclusion quand j’y songe. L’histoire d’une jeune femme incomprise.
- Le cahier Leuchtturm beige – journal de mon voyage à Florence. Une liste d’affaires à emporter, de monuments à visiter. Quelques poèmes gribouillés. Jamais réécrits.
- Les cahiers bleus, de la marque Clairefontaine à spirale, dans lesquels j’ai mis en scène mes rêves – séjour au bord de la mer, commencer à vivre de mon écriture… Et ceux-ci, de page en page, se sont matérialisés.
- Un cahier blanc pour mon deuil, qui regroupe des poèmes composés pour surmonter la mort de mon père.
- Le cahier rose du confinement, journal d’écriture sur l’écriture, véritable laboratoire d’expérimentation littéraire.
- Le bullet-journal vert sur lequel j’ai inscrit et défini mes objectifs pour les incarner dans la matière du papier – premier mot, premier pas vers la réalisation de soi.
- Le cahier d’artiste noir où j’ai initié mes séances de ©Journal créatif en m’aidant du livre Le Nouveau Journal Créatif, d’Anne-Marie Jobin. Ce cahier a agi comme un miroir, en me renvoyant mon regard inconditionnellement tolérant envers moi-même, qui m’autorise enfin à dessiner avec ma main non dominante – celle de l’enfance.
- Et le prochain cahier de demain ? Quel sera-t-il ? Je ne sais mais, en fermant les yeux, j’imagine la douceur du papier, sa petite musique quand ma plume va à son contact. Sa couverture avec, peut-être, les étoiles dorées du Petit Prince de Saint-Exupéry ? Ciel de l’écriture. Écrirai-je un poème qui se déhanche ? Un fragment de vie ? Un état d’âme ? Une anecdote intéressante ? Ou cette simple gratitude :
« Merci à ce cahier qui commence. Tout est à écrire. Donc, tout est à vivre. »
Merci à tous ces cahiers qui m’ont fait devenir celle que je suis : écrivaine de vie.
Géraldine Andrée

