Depuis le décès de mon père et la maladie d’Alzheimer de ma mère, je profite pleinement de la Vie.
Ecrite comme cela, cette phrase peut en choquer plus d’un.
Alors, je rectifie :
Depuis le décès de mon père et la maladie d’Alzheimer de ma mère, je sais la Vie fragile alors je fais tout pour la rendre légère.
Quarante ans ou même quatre-vingts ans passent en un clin d’oeil. Et on se retrouve inéluctablement en deuil. Un jour, viendra mon tour.
Les visages, les voix, les regards s’effacent et il ne reste que les miroirs. On se demande même si on n’a pas rêvé tous ces gens avec qui on a vécu si longtemps.
Alors, je suis attentive au battement d’aile de chaque instant.
Une sortie à l’opéra imprévue avec un vieil ami ? Vite ! Je m’achète un sandwich pour l’entracte et j’y vais.
J’ouvre grand la fenêtre quand il fait soleil. Qu’importe que les insectes entrent.
Et je ne ferme pas les volets s’il pleut. J’aime entendre les notes des gouttes contre la vitre et tant pis si elles laissent ensuite des ronds de silence que mon chiffon devra enlever.
Je lis ou j’écris au coeur de la nuit. Avoir les yeux cernés le lendemain au travail n’est pas très grave.
Je suis libre pour le Grand Amour.
Je craque pour l’achat d’une belle robe, même si cela fait un trou dans mon budget.
Je projette un grand voyage après avoir rénové ma maison. Je n’ai pas oublié l’élan de la première vague de Méditerranée.
Je ne m’encombre plus de gens toxiques qui vous mangent l’âme par petit bout. Hop ! A la porte !
Je ris des bêtises de mes élèves.
Je suis attentive au papillon d’or qui précède ma sortie de l’école.
J’écoute l’Arpeggiata en boucle.
Bien sûr, je pleure encore souvent mais je m’amuse aussi comme quand j’avais dix-sept ans.
Depuis le décès de mon père et la maladie d’Alzheimer de ma mère, je sais que la Vie peut s’envoler à tout instant.
Alors, je la rends légère, si légère,
comme un souffle de lumière.
Géraldine Andrée