J’ai maudit la charrette qui était brusquement apparue sur ma route et qui allait si lentement.
J’ai maudit la charrette qui me forçait à adapter mon temps au sien.
Je me suis dit que c’était la main tyrannique du destin qui l’avait mise comme par un fait exprès sur mon chemin.
Par conséquent, j’ai maudit le destin.
Je voyais au loin tout le trajet qu’il me restait à accomplir ; la longue route serpentait dans le soleil.
Je me suis maudite de ne pouvoir aller assez vite.
Puis, soudain, la charrette a pris un virage.
La voie était libre.
Mais à peine avait-elle disparu que je me suis aperçue qu’elle avait laissé dans son sillage cette bonne odeur d’herbe coupée qui me rappelait les moissons de mon enfance.
Je me suis dit alors qu’il n’y avait pas tant d’urgence.
Celui qui m’avait donné rendez-vous pouvait bien attendre.
Et j’ai pris le temps de savourer les senteurs des mille pailles d’or de jadis qui embrasaient l’air sous la fourche magique de Jeannine.
J’ai même regretté d’avoir eu une réaction aussi vive face à ce présent inespéré qui avait embelli ma journée par la généreuse réminiscence qu’il m’offrait.
Dans chaque événement d’apparence négative se cache du positif.
Mais la patience est nécessaire pour qu’en soit révélé le trésor.
Géraldine Andrée
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