Mon journal n’est pas constitué de sentiments éthérés, de quête d’amour éperdue, de grandes considérations spirituelles.
Un lecteur érudit serait bien déçu s’il s’y aventurait.
Non. Mon journal relate les miettes de biscotte qui traînent sur la table, la lettre qui se fait attendre, la poussière sur le téléviseur, la tache difficilement lavable sur la jupe, la mémoire perdue de ma mère, la chaise dans laquelle s’est assis pour la dernière fois mon père, ma soif de mots pour dire le réel.
On y trouve aussi des rêves que je fais dans d’autres dimensions mais toujours avec des mots terrestres : « les troncs serrés des arbres », « la forêt ouverte comme une échancrure de robe sur le ciel si je vais plus loin », « le ronronnement de mon sang maintenant que tu es absent pour toujours ».
On peut y lire des insultes comme des gratitudes, des colères comme des prières. Chaque mot existe. Rien n’est effacé. Le lapsus a sa place car il est le mot juste pour la part la plus secrète, la plus obscure de moi-même.
Et dans la lumière du jour, toutes mes ombres exécutent sur la page un beau ballet.
Julia Cameron, dans son best-seller The Artist’s way/ Libérez votre créativité, raconte comment, en écrivant ses pages du matin, elle sirote un café avec son ombre.
Et vous, quelles sont vos parts d’ombre ? En quoi se révèlent-elles aussi créatrices que vos parts de lumière ?
@L’Encre au fil des jours
Géraldine Andrée
