Publié dans C'est ma vie !, Cahier du matin, Journal de la lumière, Journal de ma résilience, Un troublant été

Danser

Je ne sais ce qui m’a réveillée, sans doute non seulement le sentiment d’être dans un nouvel endroit, mais aussi le plancher illuminé par l’aurore qui était apparue à la fenêtre sans rideaux.

Je venais d’emménager la veille.

Les cartons s’empilaient dans les coins, non défaits. J’avais juste déplié sommairement mon canapé-lit pour passer la nuit.

Et, au moment d’ouvrir les yeux, j’ai été éblouie par les scintillements des lambris au soleil. Je me souviens que j’ai été gagnée par un tel vertige que je me suis tenu la tête. Puis je me suis levée. Après avoir bu un café presque froid dans ma kitchenette et avoir fait un brin de toilette dans une salle de bains qu’enfin je ne partageais plus avec d’autres, j’ai revêtu ma robe fleurie.

Mon copain passerait en début d’après-midi pour m’aider à choisir des meubles à la Trocante.

Mais, en attendant, j’ai contemplé longuement le sol ensoleillé de mon nouveau studio. J’étais perdue. Qu’allais-je faire de cet espace, bien plus grand que celui de ma chambre d’étudiante ?

Même si ce n’était qu’un appartement d’une pièce, il me paraissait aussi immense qu’un palais. De quelles joies, quels peines et quels espoirs allais-je donc le peupler ?

C’est alors que je me suis sentie étreinte par la solitude. Je n’avais plus de nouvelles de mes parents qui s’étaient opposés à ce que je fréquente ce petit copain pour lequel j’avais emménagé là parce qu’il voulait préserver sa liberté.

J’ai laissé cette triste amie-pour-la-vie qu’est la solitude me prendre par le cœur. Je lui ai dit, du haut de mes vingt-deux ans :

-Viens ! Invite-moi à être ta partenaire, puisque c’est ainsi !

Sur le plancher baigné par la lumière du matin, il y avait ma petite chaîne Hi-Fi et à côté, quelques Cds : Maxime Le Forestier, Véronique Sanson et surtout, Supertramp.

Afin d’avoir plus de trempe face au commencement de ma nouvelle vie et pour m’aider à accomplir mes rêves déjà bien clairs, j’ai inséré dans le lecteur le Cd de Supertramp qui a démarré sur le morceau Dreamer :

-Dreamer ! You are a dreamer !

Et une certitude s’est mêlée à la fête.

Le plancher de l’appartement était mon espace. Qu’importait qu’il fût désert ! Qu’importait que mon pas y résonnât et renvoyât chaque matin ma présence à son propre écho ! Je ne l’entendais déjà plus, éteint par le son rock’n’roll de la batterie de Dreamer

Sans le prévoir quelques instants auparavant, j’ai commencé à danser. Je tournais autour de moi-même, comme guidée par un cavalier imaginaire. Ma robe à fleurs se déployait en corolle jusqu’en haut de mes jambes. Il me semblait qu’elle remplissait tout l’espace et qu’en virevoltant de cette manière, elle apportait au jour un rayon de soleil supplémentaire, un rayon de flanelle bleu myosotis.

Sur ce plancher sans meuble ni tapis, il y avait la légèreté de ma danse et la musique – rien que la musique pour moi seule, entraînée par le mouvement de mon corps qui se suffisait à lui-même.

Bien plus tard, quand il m’est arrivé de penser que ma vie était telle une maison inhabitée, je me suis consolée à me souvenir de ce sol inondé de soleil.

Et j’ai retrouvé la précision de mon pied qui se posait entre deux étincelles de musique sur chaque lambris. Je crois que c’est ce jour-là que je me suis juré de faire de chaque espace-temps qui m’est donné une opportunité, un rêve qui m’entraîne toujours plus loin vers mon désir de vivre, une danse rien que pour le déhanchement avec les multiples reflets de l’aurore qui dansent, eux aussi, sur le plancher de bois verni.

Géraldine Andrée

Publié dans Poésie, Poésie-thérapie, Récit de Vie

Un seul mot

Dans un recueil
de poèmes
de Chine
je cherche

avant le sommeil
un seul
mot
qui me fasse signe

plus que tout
autre
et c’est
Émeraude

qui accroche
des étincelles
de feuilles
au silence

de ma chambre
enclose
comme si c’était
une tonnelle

depuis celle
où se repose
le poète
de la dynastie Min

Han Wo
après avoir fait
du ciel jaune
de son parchemin

le messager
d’un poème
de cinq lignes
dont voici

la fin ultime
Je m’endors
sous la tonnelle de roses rouges
près des bananiers émeraude

Géraldine Andrée

Publié dans Journal d'une maison de retraite, Le journal des confins

Sans titre

Chaque pensionnaire sera désormais cloîtré dans sa chambre.
Plus le droit d’aller voir les fleurs naissantes, les arbres et les oiseaux du petit jardin qui frôlent l’herbe de leurs ailes.
Or, la vraie lumière adoucissait la maladie de ma mère qui va converser seule avec le fantôme de mon père au bord de son lit.
Par sa fenêtre, on voit un toit de tuiles rouges, un mur de pierre et l’autoroute aujourd’hui déserte.
L’éternité des jours sera rythmée par le bruit des chariots métalliques.
– Une pincée de ciel bleu aussi, peut-être ?
– Je veux bien, oui, merci !

Géraldine Andrée

Publié dans Un cahier blanc pour mon deuil

Tes pas

Tu marchais
souvent
sur le carrelage
encore
mouillé
et les traces

de tes pas
s’effaçaient
au soleil
pendant
que les dalles
séchaient

J’ai rêvé
de ton passage
Dans la nuit
étincelaient
les preuves
que tu avais traversé

la cuisine
de l’enfance
tout juste
lavée
et je me laissais
guider

jusqu’au seuil
de la porte
qui mène
au jardin
et soudain
plus rien

Ta trace
avait disparu
comme si tu n’étais
jamais venu
J’étais seule
avec mes pas

Il n’y avait là
que l’allée
principale
qui s’enfonce
en plein jour
dans l’ombre

humide
des arbres
Je crois
que j’écris
pour te suivre
là où je ne vais pas

Géraldine Andrée

Publié dans Art-thérapie, C'est la Vie !, Créavie, Journal créatif, Journal de mon jardin, Le cahier de mon âme, Méditations pour un rêve

Créavie : En écrivant…

Ouvrir la fenêtre : que la lumière du jour se pose sur les feuilles de sa saison de vie.

Fermer la porte : que les enfants se disputent pour une broutille ; que le conjoint s’ennuie ; qu’importe. Laisser chacun aujourd’hui découvrir son chemin, même s’il est désagréable.

Ne pas répondre au téléphone : la sonnerie a beau s’entêter ; dans un proche instant, elle se confondra avec la note du silence.

Suivre la volute de fumée qui danse au-dessus du thé.

Passer la main sur la douce encolure du chat…

Mais, quelle est cette lueur rose, soudain ?

C’est un pétale échappé du jardin d’enfance qui ouvre sa porte…

Tenter alors de l’attraper dans le ciel de printemps de la page

en écrivant,

en écrivant…

Géraldine Andrée

Publié dans Poésie

Tu me dis

Tu me dis
On t’a gardé
la grande
chambre

jusqu’à
aujourd’hui
Et je songe
oui

que j’ai eu besoin
sur mon chemin
de cette vaste
chambre

du silence
où la prière
touche
mon coeur

en le frôlant
dans son envol
comme une feuille
de septembre

Géraldine Andrée
Tous droits réservés@2018

Publié dans Actualité, Art-thérapie, C'est la Vie !, Cahier du matin, Journal créatif, Le cahier de mon âme

Comment être Poète de ta Vie ?

  1. Prends tout ton temps. Regarde la lumière se déplacer de chaise en chaise jusqu’à la tienne.
  2. Respire. Aie conscience que c’est d’abord ton souffle qui chemine.
  3. Ecris dans ton journal, chaque matin. Même si tu n’as rien à dire. Surtout si tu n’as rien à dire car n’oublie pas que le silence contient en germe toutes les créations futures.
  4. Plonge ton regard dans celui de ton chat, ton chien… ou ton poisson rouge. Tu verras…
  5. Chante, danse. Et ne te soucie pas du jugement d’autrui.
  6. Reste debout, bien fort(e) dans ta vérité.
  7. Emprunte les sentiers détournés. Ce sont les meilleurs.
  8. Ouvre un livre sur une page au hasard. Tu t’apercevras que son message te correspond ici et maintenant et qu’il s’adresse… à toi.
  9. Emporte toujours avec toi un carnet de références, d’idées, de croquis… un carnet de fulgurances.
  10. Ne te demande pas à ton lever si tu vas créer et ce que tu vas créer. Songe à comment tu vas créer : par couleurs, notes, jeux de mots, collages ? Quelles sont tes envies, aujourd’hui, simplement aujourd’hui ? Prépare ton matériel sur ta table (stylos, pinceaux, crayons, plumes…)
  11. Recopie une citation qui t’emmène plus loin dans la compréhension du monde et de toi-même et que tu colles à ton miroir ou ton réfrigérateur.
  12. Choisis une nouvelle marque de thé et amuse-toi devant ta fenêtre à lister le nom des senteurs qui le composent.
  13. Utilise tes souvenirs heureux et malheureux pour créer.
  14. Dis-toi que tu as le droit de tout ressentir, que tous tes sentiments sont légitimes, y compris la colère qui peut te guider vers le ravissant rouge phosphorescent qui manquait justement à la toile de ton existence.
  15. Habille-toi en mariant les textures, les tissus, les teintes. Autorise-toi une nouvelle coupe de cheveux.
  16. Fais une salade de fruits en étant conscient(e) du jus, des couleurs, des pépins qui se mêlent dans tes mains.
  17. Colle dans ton cahier feuilles, fétus, brindilles, pétales. Réalise un herbier de ce que tu vis à ta mesure.
  18. Prête attention à toute chose, même insignifiante. Qui sait si le trajet d’une fourmi de grain en grain ne t’inspirera pas demain ?
  19. Va-z-y pas après pas, instant après instant. Sois patient(e). La vie a sa musique parfaite pour toi.
  20. Félicite-toi, y compris si tu as écrit une seule page, affiné un seul accord, trouvé l’équilibre entre deux couleurs en remettant à plus tard la peinture de ton paysage.

L’essentiel est que tu Sois

dans chaque chose que tu Fais.

 

Avec toute ma joie,

 

Géraldine Andrée

Publié dans C'est ma vie !, Cahier du matin, Le poème est une femme

Mon cahier d’adolescente

Je me souviens de ma solitude d’adolescente quand je tenais un cahier de poèmes juste pour moi-même. C’était un cahier grand format, à la couverture rouge et brillante.

Je me promettais d’y recopier chacun de mes poèmes proprement et définitivement.

Mais lorsque j’en relisais un au matin, il était rare qu’un vers ne me déplût pas.

Alors, je recommençais à écrire le poème. Je lui infligeais toutes sortes de formes, de tournures et de variantes.

A la fin, il prenait sa place au centre de la page et je collais en un feuillet les pages qui avaient servi à le faire naître pour que, plus tard, si jamais une main inconnue ouvrait par curiosité le cahier, elle ne vît pas ces preuves de mon labeur que je ne trouvais guère élégantes.

J’étais exigeante : le poème devait donner l’impression de s’être déposé spontanément sur la feuille comme un oiseau ayant réussi son vol.

Mais Dieu ne destina pas ce cahier à d’autres mains que les miennes.

C’était un cahier sans voix ni regard. Présent offert à un silence prolongé.

Toute seule à me lire, je feignais la découverte.

Je levais les poèmes dans le jour et j’appréciais la sveltesse de leur forme, le reflet d’encre de leurs mots où le soleil se mirait, comme dans une belle eau. Et si mes rimes sautillaient telles des jeunes filles de joie en joie, alors, j’étais fière.

Je posais le cahier sagement fermé sur la table, certaine de le retrouver le lendemain et d’y écrire un autre poème à défaire, à parfaire, au gré de ma volonté.

J’avais beaucoup de courage à l’âge de seize ans. Ce n’était guère facile d’être à la fois juge et partie de ma création. C’était un lourd secret que d’écrire sans rien lire à un auditoire, sans jamais rien montrer.

Mais les jours s’écoulaient ainsi. Je n’éprouvais pas le sentiment de les dépenser inutilement.

J’avais une conscience aiguë de ce que je faisais.

J’étais « celle qui écrit toute seule dans sa chambre ».

Les années ont passé.

J’ai envoyé plus tard mes poèmes à des concours littéraires. Beaucoup ont été primés.

Puis, j’ai tenu des blogs. Aujourd’hui, on trouve mon pseudonyme sur internet.

Et lorsque personne ne laisse une trace de son passage parmi mes textes, lorsque personne ne vient me lire, lorsque tout le monde se désintéresse de mes mots, je me console d’un souvenir.

Elle n’est pas si lointaine, ma solitude d’adolescente, quand je tenais un cahier de poèmes juste pour moi-même.

Ce cahier grand format, à la couverture rouge et brillante, m’a appris l’autonomie, l’indépendance par rapport au regard d’autrui.

Désormais, j’emploie les images que je veux sans me préoccuper de ce qu’un éventuel lecteur pourra en penser.

Je suis libre d’écrire ce que me dicte ma voix intime sans me départir de cette exigence personnelle qui me définit.

Je ne sais ce qu’est devenu ce cahier d’adolescente. Il s’est sans doute perdu au fil des déménagements.

Mais je n’oublie pas qu’il fut mon plus fidèle compagnon de vie.

Et que c’est lui qui m’a élevée à la hauteur de mon désir d’écrire lorsque je levais ses feuilles dans le soleil de mes jeunes journées, pour faire envoler peut-être les poèmes qui s’y étaient déposés.

Géraldine Andrée