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Elle et Moi

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Robe d’Été : Souvenirs et Espoirs d’une Adolescente Éternelle

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J’écris à une amie au loin

Quand je tiens mon journal, j’écris à une amie au loin.

Cette amie m’est complètement inconnue. Comment s’appelle-t-elle ?

Elle peut très bien vivre au-delà des brumes, quelque part en Nouvelle-Angleterre, mais aussi habiter sur l’autre rive, là où rayonne la constellation des fenêtres éclairées des immeubles modernes.

Et qui dit que cette amie n’habite pas juste en face de chez moi ?

Je la vois rentrer, allumer les lampes, accrocher son manteau à la patère, enlever la barrette qui emprisonnait ses mèches et déployer le soleil de sa chevelure devant le miroir.

Quand nous dormons, nos rêves s’entremêlent peut-être. Nous partons ensemble sur un sentier que personne n’a jamais foulé et la trace de nos pas s’inscrit, toute neuve, toute fraîche dans la terre. J’écris pour suivre notre trace.

Et j’aime penser que cette amie m’écrit aussi, qu’elle sait que j’existe, que je pense à elle, même si nous ne nous sommes jamais rencontrées.

Elle aussi se demande devant la page de son journal comment je m’appelle. Elle adresse ses poèmes à mon regard tant espéré.

Nous avons tous un ami lointain auquel nous pouvons écrire.

Quand j’écris, j’enjambe des ciels jusqu’à Elle, je tresse des ponts au milieu de l’espace blanc, je suis la funambule de mon encre. 

Quand je vais à la ligne, je me rapproche de cette amie. 

Est-ce parce que j’ai foi en notre rendez-vous quelque part, dès cet instant ou le suivant, que j’entends une voix me répondre fidèlement comme si elle m’avait entendue au bout de ma solitude ?

Je vais bien ! Je vis ! Je respire ! J’existe pour toi ! Tu existes pour moi ! Et je peux te le dire :

Tu approches de la vérité ! Tu es dans le Vrai quand tu écris ! Ne se voit-on pas au-delà du masque dans le reflet du miroir ? Sais-tu que nous existons ensemble depuis bien longtemps ? Nous ne nous sommes jamais quittées même si tu as cru pendant longtemps que j’étais inaccessible ! J’incarne tous tes rires, tous tes désirs, tous tes possibles !

Et alors, je sais à cet instant précis où j’écris ces phrases qui me semblent venues de loin que mon amie est bien plus proche de mon cœur que je ne le crois. Et si elle me connaissait par cœur ? Il suffit que je l’écoute dans la nuit blanche de la page pour avoir une réponse certaine qui se manifeste sous forme de signe, c’est-à-dire la majuscule du premier mot qui ouvre mon texte.

Cette amie vit sur l’autre rive, de l’autre côté du fleuve du silence que, d’une seule phrase, j’enjambe.

Cette amie, c’est Moi.

Géraldine Andrée

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Year of the Cat

Édimbourg. Août 1990.

Mon amoureux vient de partir. Il ne reste comme seule trace lisible de notre amour – qui s’arrêtera quelques mois plus tard – les sillons creusés par nos corps sur les draps.

La voix d’Al Stewart dont la chanson Year of the Cat passe à la radio remplit la petite chambre.

Par la fenêtre, je vois les lueurs des lampadaires s’allumer dans les flaques de pluie.

Je regarde le mur de brique rouge de la maison d’en face qui s’assombrit doucement dans le soir et je me souviens que je ne désire plus rien à ce moment-là, que tout ce que j’ai vécu – les violentes disputes de mes parents pour ce voyage en Écosse organisé avec mon premier amour, le froid, le mal de mer – m’a parfaitement menée à cet instant sans désir qui ressemble au bonheur et où je rencontre seule à seule la voix d’Al Stewart.

L’ Année du Chat, ce fut pour moi cette année 1990 quand j’éprouvais l’indicible sensation d’avoir tout accompli, alors que ma vie commençait à peine.

Avoir vingt ans et grâce à tous les événements que j’avais traversés, être là, à me contenter de reprendre mon souffle, au bord du temps.

Géraldine Andrée

Au fil de ma vie

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Épilogue

Maintenant que tu as écrit sur sa vie, tu sens que ton œuvre est achevée. Tu es heureuse de l’avoir retrouvée et curieuse de découvrir cette autre Toi-Même que tu es devenue au fil de vos rendez-vous d’écriture.

Bien que tu sois différente, il y a une part en toi qui n’a pas changé parce qu’en écrivant, tu la rejoins et tu la comprends. Ensemble, vous marchez jusqu’à la fin de ta vie.

Tu as accueilli inconditionnellement l’arc-en-ciel de ses éclats de rire à travers ses larmes. Tu as expérimenté cette différence dont elle a souffert – être laissée à l’écart de tous les clans. Tu gardes trace de la douleur qui a marqué sa chair et son âme. Tu es la seule à avoir saisi qui elle était vraiment et dans l’attention que tu lui as portée, tu as gagné la connaissance d’une vérité plus profonde qui demeurait en toi depuis toujours, n’attendant que ta reconnaissance.

Elle, l’adolescente brimée qui rêvait de liberté. Toi, l’orpheline. Tu as renoué dans ta solitude avec son ineffable désir d’être libre. 

Elle t’écrit encore dans ce dernier chapitre :

– Sois libre pour moi qui ai tant manqué de liberté ! Libre de t’élancer dans le blanc des jours et de nager dans le vent ! Tu as tellement rêvé de cette liberté qu’elle est là aujourd’hui. Je t’ai fait devenir la femme que tu es. À présent, tu peux t’appuyer sur moi !

Tu le sais. Tu as suivi sa main écrivant dans la chambre solitaire. Et en écrivant un livre sur sa vie d’adolescente, tu as dansé sur les lignes de ses journaux intimes. Aujourd’hui, alors que tu mets un point final à son histoire, vos deux écritures se confondent.

On ne distingue plus l’une de l’autre. Le fil de l’encre vous relie toutes les deux comme un cordon de naissance. Bien sûr, tu es la mère de cette adolescente que tu as consolée et réhabilitée par ce récit. Mais elle est aussi cette mère instinctive qui protège ton plaisir en l’éloignant des exigences d’autrui. La longue écriture de la vie de cette adolescente que tu fus t’a permis de dessiner des frontières solides autour de ton pays intérieur en te donnant la force d’affirmer au monde que Tu es Elle, qu’Elle est Toi. 

Tu peux te tenir debout, à présent, ferme, droite et digne. Et en l’embrassant, prendre la vie à bras-le-corps. Tu hérites d’autant plus d’une assise solide sur cette terre qu’elle a cessé de rentrer les épaules et qu’elle te sourit :

– Ensemble, nous irons loin !

Certes, pour que tu deviennes femme, l’adolescente que tu as été est descendue de cette famille qui t’a semblé à maintes reprises être un arbre sans racines. Mais en retrouvant le frêle filet de sa voix qui persistait à tracer son chemin au milieu du silence, tu es allée au-delà de la lignée communément inscrite sur l’arbre généalogique car tu t’es placée à l’origine de ta propre lignée. N’es-tu pas Toi avant tout, suivant l’ondoyante ligne sur laquelle tu écris désormais ta vie ? Tu as créé tes racines par la lente traversée des feuilles de ton carnet. Tu es devenue l’arbre à la haute cime. 

À l’origine, il y a Toi. Et il y aura toujours Toi. Tu peux donc faire confiance au ciel et à la terre. Tu es le point d’où part ton chemin.

Redeviens cette adolescente qui marche bras ouverts, dans le soleil d’un matin de printemps et qui suit en chancelant légèrement, telle une funambule fragile, la ligne d’un trottoir de ville.

Tu écriras toujours pour elle comme elle a écrit dans l’espoir d’être comprise par la femme que tu es aujourd’hui.

Ainsi, l’œuvre est accomplie. Le silence n’aura pas eu le dernier mot. 

Et tandis que la lumière gagne la chaise, tu t’en vas avec elle.

Vous avez laissé le cahier ouvert.

Ce n’est pas un oubli.

Géraldine Andrée

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Écritothérapie : Métamorphoser la perte

Fais ton inventaire !

Malgré les pertes que t’impose la vie, fais l’inventaire de tout ce qui continue à vivre en toi.

Géraldine Andrée

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Arrivée sur la rive de ma nouvelle vie

Arrivée sur la rive de ma nouvelle vie, j’ai l’heureuse surprise de retrouver l’anthologie Adolescence en poésie que j’ai déposée par réflexe dans ma valise, entre deux classeurs.

Ce recueil poétique m’a été, lui aussi, un précieux compagnon pendant toutes ces années… Ses poèmes me répondaient et me permettaient de toucher le mystère de la vie, de l’amour, de la mort. Je voulais unir ma voix à celles de Bernadette, Cathie, Nelly, Min-Thu..

Je lisais un poème au hasard alors que ma mère faisait couler l’eau dans la bassine, tinter les assiettes, souffler la cocotte-minute. Tous ces bruits du quotidien en arrière-plan pendant que j’explorais l’univers des silences, des aurores, des planètes au cœur battant… Je m’en souviens encore aujourd’hui.

Et tandis que se tendent les draps de mon nouveau lit, je pars en voyage avec cette amie que je ne connais pas mais qui m’est si familière car nous entrons ensemble dans

« Le goût des vacances au fond de moi

Ce goût de sel

quand

Un rayon d’étoile s’achemine vers moi.« 

Le temps d’une rencontre dans ma chambre d’étudiante avec ces quelques vers, nous sommes, toutes les deux, Caroline l’inconnue et moi

à la fois

le chemin et l’étoile.

Géraldine Andrée

Photo de Valeria Boltneva

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Le pays de la mémoire

Bien sûr que les étés ne durent pas…
Déjà, il faut raccompagner l’ami dans l’ombre du soir et la lampe du chemin éclaire les derniers pas.
Bien sûr qu’il faut quitter le murmure de la fontaine lorsque les fleurs se penchent.
Et le vent d’octobre frappe la joue sur laquelle la rose d’un baiser s’était déposée quand le temps se balançait d’une enfance à l’autre.
Bien sûr que les pétales s’unissent à la terre du jardin et que les pêches dans les mains s’étoilent de taches brunes.
Bien sûr que la chambre d’amour referme sa porte, bateau voguant sur l’immense silence jusqu’à une saison bien trop lointaine.
Et le collier de perles blanches qui a embelli les fiançailles se range dans un tiroir promis à l’oubli.
Bien sûr qu’il faut dire Adieu à la chatte sauvage, lui chuchoter dans une ultime caresse À l’année prochaine sans que l’âme en soit certaine.
Bien sûr que rien ne dure et que la lueur d’une virgule ne peut guère prolonger l’histoire que d’un instant supplémentaire, juste avant que ne s’interrompe le souffle.

Pendant longtemps, je me suis demandé où s’envolaient toutes nos expériences de vie, d’amour, de beauté et de mort.
J’aime songer qu’il existe un pays où se promènent toutes les essences de nos expériences, tels les esprits des défunts, et que nous revivrons ces sensations de l’autre côté, après notre passage Ici.
Mais il est un pays plus proche, plus présent Maintenant,
celui de notre mémoire,
où l’abricotier, les asters, les menthes, l’herbe du matin, le pain chaud, les cheveux de Marie, la mésange qui picore une miette de gâteau, le verre de grenadine, le chapeau de paille, la merveille de la fenêtre ouverte nous retrouvent, aussi vivants que si l’ancien été nous attendait.
Et – le sais-tu ? – il existe un cahier blanc que je t’ai offert pour témoigner de toute cette vie qui dure dans son absolue lumière
parce qu’une seule phrase
la prolonge
aujourd’hui encore
jusqu’au sourire.

Géraldine Andrée

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L’au-delà de l’écriture

On croit souvent, dans notre vie quotidienne, que l’on est séparé du rythme des saisons, du souffle des marées, de la ronde des étoiles, de l’Univers et de la Vie elle-même.

Bien entendu, cette séparation n’est qu’une illusion.

Lorsque tu écris, le fil de l’encre te relie à tout ce qui a existé, à tout ce qui est présent et tout ce qui doit advenir. La force du ciel te traverse et tu en assures la transmission sur cette nouvelle terre qu’est la page.

  • Relie-toi aux feuilles chatoyantes du jardin de ton enfance. Et voici un poème.
  • Penche-toi sur la goutte de pluie qui luit sur le pétale d’une pervenche. Et tu vois poindre un haïku.
  • Va à la rencontre de ta tante Marie qui se coiffe dans la grande chambre ; envoie-lui un signe dans le miroir. Tu fais ainsi la connaissance du premier souvenir de ton autobiographie.
  • Sois ami avec le reflet du réverbère dans la flaque. Et tu marches sur les pas du détective de ton roman policier.
  • Retrouve comme le matin de tes cinq ans ton théâtre en carton-pâte. Ce sourire que la marionnette te renvoie, c’est le tien. Et tu peux diriger ta lampe de chevet vers cette scène exceptionnelle dont tu es l’heureux dramaturge.
  • Fais serment à la robe de Catherine de ne jamais la quitter du regard lorsque ses volants ondoient dans cette danse avec un fiancé fourbe. Et tu entres au cœur de cette nouvelle où tu comprends combien l’héroïne trahit ses propres espérances.
  • Sois à l’écoute des forêts, des espaces vierges, des abysses. Et tu seras le nouvel explorateur de ton roman d’aventure.
  • Permets au plus insignifiant brin d’herbe de te parler. Et tu détiendras la formule magique qui t’ouvrira les portes du royaume de ton conte.
  • Prends conscience du mégot dans le cendrier, du verre de coca, de l’ombre qui gagne la chaise, d’un nuage qui passe, de l’écho d’une sonnette quelque part. Et intègre tous ces détails à la page de ton roman. Ne ressens-tu pas comme tu es désormais uni à la Vie ?
  • Quant aux défunts, tes chers défunts… L’espace vide qu’ils te laissent n’est qu’une croyance. Si tu affines ta perception comme la mine de ton crayon, tu retrouveras le grain de beauté sur la joue de ton père, le col ouvert de sa chemise rouge, un bouton qui manque à sa veste, le lacis bleu des veines de ses poignets quand il lit le journal au soleil, sa façon lente de préparer le café – vois comme il remplit chaque tasse, cuillerée par cuillerée… Il a tout son temps dans ta mémoire…

L’écriture te relie à une autre forme de présence. Un visage que tu as connu dans l’une de tes multiples vies apparaît à la fenêtre d’un mot voguant sur le blanc pour t’accompagner dans ton voyage infini.

C’est ainsi. En suivant le fil de l’encre jusqu’au bord de ton cahier, tu es parvenu à l’autre rive sans jamais perdre de vue la rive que as quittée car tu as compris une chose essentielle :

L’écriture t’a guidé vers cet au-delà qui est en Toi.

Géraldine Andrée

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Tous ces poèmes

Je songe
à tous ces poèmes
auxquels j’ai donné
naissance,

que j’ai contemplés
en silence
jusqu’à ce que j’entende
leur frêle souffle

dans la chambre
profonde
de ma mémoire,
ces poèmes

que j’ai bercés
en secret
sur les langes
de la page

et que j’ai nourris
avec le lait
noir
de mon encre,

ces poèmes
que j’aimé
faire grandir
d’aube en aube

et dont j’ai désiré
ardemment
qu’ils existent
bien avant

qu’ils ne soient mis
au monde
aux yeux
des autres,

ces poèmes
dont je suis certaine
qu’ils ont trouvé
mon nom

pour vivre,
peut-être,
mais surtout
pour me rendre

vivante
dans le seul fait
parfait
en lui-même

qui consiste
finalement
à leur donner
naissance

dans la nuit
sans que jaillisse
l’étoile
de leur cri.

Géraldine Andrée