Tu les trouves tôt le matin, après l’éloignement de la marée, déposées ça et là par les vagues sur la vaste marge du sable.
Vois comme elles ondulent, comme elles ondoient. Le souffle du vent allume de nouveaux reflets sur leur corps frémissant.
Elles tombent dans un bruit mou.
Tu portes leur poids léger et il te semble alors que ce sont elles, si frêles, qui te bercent au rythme de tes pas.
Le soir, sous la lampe, elles prennent une forme étrange.
Elles font la pirouette, se déhanchent, enjambent les espaces blancs, se donnent la main lorsque tu les disposes côte à côte.
Si dociles, elles obéissent à ton rêve de ballet, adoptent les postures, les courbes et les contours que tu veux bien dessiner.
Quelques gouttes d’eau suffisent pour rallumer dans leurs mouvements les couleurs de l’océan.
Les voici prêtes.
Tu les places près d’une fenêtre. Et c’est toute une chorégraphie silencieuse qui se déroule là, le lendemain, devant tes yeux ; qui se répète autant que tu le souhaites.
Algues de Bretagne, immobiles danseuses, destinées à la blanche scène rectangulaire d’une carte de vœux et qui brillaient de tous leurs bleus, de tous leurs verts à la pâle lumière d’une lampe de chevet…
Bien des années ont passé depuis ces promenades le long de la plage de Douarnenez.
Aujourd’hui, les sylphides font leurs entrechats sur la neige jaunie d’un vieux papier, chez des amis que tu ne vois plus depuis longtemps.
Mais toi, souviens-toi, elles t’attendaient tôt pour danser éternellement sous la grâce de tes mains, les algues, fidèles à ce rendez-vous du matin après avoir roulé toute la nuit dans la houle.
Comme ces marées, désormais, sont loin !
Géraldine Andrée