Publié dans Dialogue avec ma page, Grapho-thérapie, Journal d'instants, Le cahier de mon âme, Le journal des confins, Méditations pour un rêve

L’indépendance émotionnelle de l’écriture

On écrit pour

  • aller mieux
  • faire le point
  • éclairer son passé
  • dessiner ses projets
  • retrouver sa vérité, après avoir fait le deuil de toutes ses illusions…

Toutes ces justifications sont pertinentes. Je te suggère de dresser une telle liste de motifs d’écriture, de l’accrocher sur la première page de ton journal intime et de l’enrichir au fil du temps. Cette liste t’accompagnera dans ton évolution personnelle.

Mais, puisque les raisons d’écrire ont souvent été étudiées par les psychologues et les critiques littéraires – dont Philippe Lejeune, en particulier, dans son ouvrage Cher cahier qui interroge les motivations de l’autobiographie -, je te propose aujourd’hui de te questionner non sur l’explication, mais sur le processus d’écriture.

Remplacer le Pourquoi par le Comment ?

Comment écris-tu ?

J’écris

  • pelotonnée sous ma couverture
  • après la douche, cheveux mouillés
  • mon chat à côté de moi
  • en buvant une tasse de Yoggi Tea
  • mon cahier sur les genoux…

Très vite, si tu développes l’exercice, tu t’apercevras que tu écris sur cette question fondamentale :

Comment je me sens lorsque j’écris ?

« Quand j’écris dans mon journal, j’habite simplement l’instant présent. Je suis là, dans l’éclat de l’encre sur le cahier blanc. Je suis attentive au mouvement de ma main qui va doucement pour rattraper ce rayon de soleil. Raconter ce que j’éprouve, ici et maintenant, ma main gauche posée sur mon front tandis que ma main droite trace son chemin sur la feuille posée devant moi. Écrire est un voyage immobile. Ma poitrine se soulève lentement ; mon souffle est calme. C’est une course patiente et lente, dont la justesse réside dans l’absence d’intention.
Quand j’écris, je prends conscience que je vis.
« 

Tu explores ainsi la pureté de l’écriture en tant qu’acte gratuit. En écrivant pour écrire, tu te détaches de toute éventualité d’être lu, jugé, publié. Tu perçois combien tu gagnes en qualité d’être. Tu oublies que tu écris pour être pleinement dans l’action elle-même. D’ailleurs, tout ton corps se relâche ; tes épaules se détendent ; la pression sur le stylo se fait moins forte. Tu te laisses porter par ton propre rythme qui allie celui de l’écriture à ton souffle.

Anny Duperey, dans Le Voile noir, raconte que, pour alléger « le poids de son cœur  » – qu’elle portait depuis l’âge de ses neuf ans quand ses parents moururent tous les deux d’une intoxication au monoxyde de carbone -, elle écrivait uniquement afin d’entendre le frottement de sa plume sur le papier : cela lui faisait perdre le désir de contrôler l’incontrôlable qui avait envahi sa vie.

L’écriture devient respiration.

Dès lors, la frontière entre « faire » et « être » s’amincit. Tu t’approches du seuil de la méditation.

Et c’est au moment où s’efface la ligne qui sépare ton être de ton texte, où ta phrase rejoint ta respiration que l’inattendu – voire l’impensable – se produit. Peuvent jaillir un haïku, un poème, une nouvelle… Mais loin de toi est l’envie de travailler ce texte comme un objet d’art car il se passe quelque chose de plus important que l’art en lui-même – qui, souviens-toi, a besoin du regard d’autrui pour exister -, tu deviens – comme le méditant devient ce qu’il voit -, ce que tu écris.

Tu deviens

  • le bleu de la fenêtre à l’aube
  • l’aile de ton songe
  • une flamme follette
  • un halo de buée
  • ta propre étoile…

Tu es Toi et, en même temps, la braise dans le cendrier, la mie de pain, la goutte d’eau, la maille de ton chandail, l’ongle de ton index – si tu écris sur ça.

Tu es Toi et tout cela à la fois. Tu es Toi parce que tu es Tout. Et tu es Tout parce tu es Toi.

En te fiant au processus naturel de l’écriture, tu parviendras alors, peut-être, à saisir l’essence de ton objectif : gagner en autonomie affective, en indépendance émotionnelle par rapport à autrui. Écrire parce que tu prends plaisir à le faire et surtout, parce que tu existes et que c’est ton droit absolu de naissance de t’exprimer.

Pour finir, je te propose une liste de sujets d’écriture qui t’aideront à voyager avec ta plume vers qui tu es vraiment, au moment où tu écris :

  • Quand j’ai ouvert ma fenêtre…
  • Si j’étais une couleur, je serais…
  • Je ne me souviens pas de ma petite enfance, mais tout ce que je peux dire…
  • Alors, je suis parti…
  • Aujourd’hui, il y a dans mon cœur…
  • Je suis…
  • Je ne sais comment cela commença…
  • Je ne sais comment cela se termina…
  • J’écris sur…
  • Vivre, dis-tu..

Tels les astres dont la présence ne se justifie pas,

Que tes mots soient…

Géraldine Andrée